Peindre, dit-elle

Vue sur cour. Détail

"Écrire, dit-elle". 
J'ai lu ce livre de Duras il y a si longtemps que j'ai tout oublié. C'est à peine s'il me reste une couleur — blanc aveuglant comme d'un soleil en face —, à peine quelques images, en extérieur… Je ne me rappelle rien de son propos, juste une grande lenteur et, pour tout dire, un ineffable ennui !
Mais je ne suis pas sûre… Peut-être que je confonds avec un autre, un que j'aurais croisé à la même époque ou à des années-lumières.
La mémoire est un insondable puits et l'on se perd dans ses associations.


Il n'empêche : le titre de ce livre me hante depuis que je l'ai vu sur un rayonnage de libraire. Ce titre qui me fit acquérir ce livre oublié et qui patiente à nouveau entre deux acolytes, quelque part dans mes murs.






L'immeuble au fond de ma cour est un mur que tout le monde trouve très laid. Pourtant, chaque fois que je m'attable avec vue sur ce mur, je savoure les lumières projetées. Fauves au levant comme au couchant, elles se plombent – anthracite et neige –, avec les gris du ciel. 
Ce mur est un écran pour le ciel et je me dis que rien, absolument rien, ne pourra priver le regard de cette capacité à faire naître du beau.



Vue sur cour. Technique mixte sur et sous toile. 40x80cm. 2016


- Écrire !, disent-ils. 
- Écrire ?", dit-elle ?
Mais j'aime tellement peindre !
Comprenez-moi : là, j'agis sans penser, libre et sans a priori. 
Là, je me laisse emporter. Là, je me laisse surprendre ! Là, je forme et je déforme, je construis et je déconstruis, j'arrache, je râcle, je cogne, je caresse et parfois même, je me blesse. Là, l'escalier de mon esprit colimaçon mène à de nouvelles portes. Là, et seulement là, je peux trouver les mots qui me parlent.

Alors tant pis !
C'est vrai que je gagnais ma vie en écrivant des lignes.
Mais à peindre et à tracer des traits, j'ai enfin gagné de vivre !

Je crois que c'est à cause d'elles : à cause des lumières projetées sur ce mur insipide qui vient à resplendir.
C'est tellement bon ce beau ! 
N'en déplaise au sieur Socrate, l'inutile est une nécessité !

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