Enfants du Mali


J'habite un quartier qui fut, il y a quelques années, une destination de prédilection pour l'immigration malienne. Je me souviens de ces gosses qui s'asseyaient sur les mêmes bancs que mes filles. Je me souviens surtout de ce minot fugueur que j'ai parfois récupéré devant l'école pour le remettre en classe et qui me suivait dans un éclat de rire, en me donnant sa petite main et me disant, le sourire jusqu'aux oreilles, "ta fille, moi, je la marierai." Il avait 5 ans et cela me faisait hurler de rire. 
Sa sœur ainée était une terreur perchée sur les hauts talons de sa mère, une gamine de 12 ans qui me dépassait d'une tête et qui s'occupait de toute la fratrie. 
J'aimais ces gosses et j'aimais leur rire. J'aimais ces gosses et je devinais leur isolement, le marasme familial et la violence subie là-bas, dans l'immense misère qui les avait menés ici, jusqu'à cette école de l'est parisien. Puis, ils sont partis, pris en charge par les services sociaux, je ne sais ni où, ni comment… 
Et depuis que le Mali s'embrase, il m'arrive souvent de revoir leur immense sourire sur leur peau cuivrée, cette gaieté jaillissant sur des regards trop durs.

La semaine dernière, Françoise Ackermans, représentante de l'Unicef au Mali, a tenu à alerter la communauté internationale : la rumeur qui évoquait le possible enrôlement d'enfants dans les troupes de djihadistes se confirme. Plusieurs centaines d'enfants seraient concernés, majoritairement des garçons auxquels on confie fusils d'assaut, grenades, alcool et drogue. Des petites filles aussi, dont on imagine aisément le sort qui leur est réservé dans un pays où 71 % des femmes confessent avoir été mariées avant 18 ans et où 69 % des petites filles sont excisées… 
Plusieurs centaines d'enfants, donc, que l'on commence tout juste à retrouver, au compte-gouttes. Des enfants défaits. 

Et il y a, aussi, tous les autres gosses du Mali : près de 7 millions ont moins de 15 ans et la quasi totalité est en danger. Pas seulement au nord. 
Avant guerre déjà, 15 % des enfants maliens souffraient de malnutrition aigüe et 20 % naissaient avec un déficit pondéral. Un enfant sur trois était contraint de travailler en dépit de l'interdiction du travail pour les enfants de moins de 14 ans, et seuls 40 % fréquentaient les bancs de l'école. Une situation catastrophique que la guerre, bien sûr, n'a fait qu'empirer. Déjà, l'Unicef mène des campagnes de sensibilisation auprès des enfants déplacés pour les alerter sur la présence de mines dans le pays.

Alors que démarre la saison chaude au Mali, alors que la guerre a rendu encore plus exceptionnel l'accès à l'eau potable, l'Unicef craint un développement massif des épidémies de choléra, malaria, rougeole et méningites… "tout le tableau de bord est rouge", conclue Françoise Ackermans qui estime à 82 millions de dollars les besoins de l'Unicef pour le seul Mali.
Les enfants du Mali, c'est sans aucun doute le premier défi que ce pays devra relever quand les armes se seront tu… si elle se taisent.

En attendant, on peut toujours soutenir l'Unicef

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