Rentrée républicaine



12 millions d'élèves ont donc repris le chemin de l'école. C'était trop bon de les voir s'interpeller dans la rue qui mène à la Primaire et à la maternelle du quartier, les cartables neufs ou usés, les cheveux peignés et le museau tout frais.
Les enseignant, eux, affichaient de larges sourires qui cachaient mal le brin d'angoisse qui les tenaillait : comment ça va se passer cette année, comment sera la classe, etc ?

Mais avant même que tout cela se mette en place, l'ex ministre de l'éducation vitupérait contre son successeur qui - bourde énorme, il faut le reconnaître - avait évoqué une mission de "redressement moral" pour l'école. Aïe ! C'est vrai que ça pue comme formulation, c'est vrai que cela rappelle de bien tristes souvenirs et j'aurais quelque malhonnêteté à faire comme si les mots ne disaient rien : j'ai assez critiqué les dérives pétainistes des discours politiques pendant la campagne.

Seulement voilà, crise morale il y a. Ce n'est pas seulement que les temps changent, que les notions de bien et de mal aient évolué. Cela est sain.
Mais une chose est sûre : à force de dire que tout se vaut, on brouille les pistes et on crée une société d'orphelins, de citoyens égarés, qui n'ont plus comme critère de jugement que la performance économique ou le bonheur individuel (ce qui revient au même, il ne s'agit là que de satisfaire des besoins primaires), la politique du ventre en somme. Ce ne peut être satisfaisant pour l'humain, c'est surtout très anti-social.

Certes, il y a forcément danger à inculquer des cours de morale dans le cadre d'un programme défini en haut lieu (sauf que l'enseignant conserve une grande liberté au sein de sa classe). Il y a forcément danger à dire ce qui est bien et ce qui est mal et a figer cela dans un enseignement de mandarin.
Mais n'y a-t-il pas plus grand danger à faire comme si l'école n'était là que pour former de futurs travailleurs et limiter l'éducation à de l'instruction scientifique ou technique ?
On oublie trop souvent, que l'école forme aussi des citoyens, qu'elle est une condition sine qua non du plein exercice de la démocratie. C'est comme cela en tous cas que Jules Ferry l'avait pensée.
Alors, oui : il faut qu'il y ait débat à l'école et il faut que ce débat se tienne aussi sur les questions du "vivre ensemble", sur ce qui fait légitimité dans une société, ce qui fait sens entre les générations : celles qui sont sur les bancs de l'école, celles qui enseignent et tous ceux qui sont dehors, les adultes, les anciens, les ancêtres et les générations futures.
Parce qu'à négliger le terrain du débat éthique et politique à l'école, on laisse un territoire vierge que les moralistes de tous poils — pas laïcs, pas républicains — préemptent avec succès si l'on en juge par le retour du religieux ou, à l'inverse (mais les contraires finissent toujours par se ressembler), par la culture de la performance individuelle contre celle du bien commun.
Ce que dit l'expression malheureuse de Peillon c'est cela : une angoisse légitime devant le fiasco de notre république qui n'a pas su séduire les jeunes avec son discours laïque et républicain.
Mais cela, bien sûr, ne peut passer par des cours de "redressement moral" mais - j'insiste - par du débat. La morale ne s'inculque pas, elle doit être interrogée, soupesée et finalement adoptée. C'est peut-être d'abord cela la laïcité.
Mais vrai : je suis furieusement moraliste ce matin !

Commentaires

  1. Parfois je vais vite et les réactions des uns et des autres, ici ou ailleurs, m'aident à enrichir.
    A lire sur le sujet de la France et des droits de l'homme : http://blogs.mediapart.fr/blog/poj/030912/morale-laique-mon-oeil

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

A partir du 23 mai, "Mamie écrase les prouts"

Le calendrier 2024 d'ARySQUE est paru

Une année avec des élèves