Tombouctou : les œuvres en hors-d'œuvre


En pays touareg, la femme touareg ne porte pas le voile. Elle marche tête nue, laissant à son homme ce privilège qui donne à la peau un hâle indigo. En pays touareg, la femme touareg se marie une maison sur la dot : l'époux qui l'abandonne perd le logis avec. 

Le pays touareg est terre de transhumance, "Azawad" en tamasheq, la langue locale : une terre de désert balisée de quelques puits précieux. 
Au XIe siècle, la jeune Bouctou gardait un de ceux-là. La ville prospéra. On l'appela Tim-Bouctou, "le puits de Bouctou". On y érigea deux mosquées au XIV et XVe siècle. Rapidement, une femme décide de transformer la medersa de la nouvelle mosquée en une université islamique. Celle-ci gagnera rapidement une renommée internationale et accueillera jusqu'à 25 000 étudiants.
Des splendeurs que l'imagination de l'homme a bâti au nom d'un rêve : Dieu !

Tombouctou ," Perle du désert", l'un des plus beaux fruits de la culture musulmane et Tombouctou agonise : son histoire s'efface, comme on gomme un pan d'humanité.
Ce n'est pas le vent qui endommage les façades sableuses, ce ne sont pas les ans qui usent les marches qui s'enroulent contre les murs. La destruction est bien plus rapide, quelques heures seulement : c'est la non-œuvre de hordes barbares qui détruisent un à un les mausolées de "la ville au 333 saints". 
Hier encore, les pioches ont percé les flancs de la mosquée de Djingareiber, la plus ancienne.

Inquisiteurs
En pays touareg, huit siècles après l'érection de cette mosquée, un chef touareg (expulsé en 2007 d'Arabie Saoudite pour ses relations avec Al Qaida) est revenu au pays pour effacer la trace de ses pères. Au nom d'un rêve couleur cauchemar : Dieu !
Son nom : Lyad Al Ghali, fondateur d'Ançar Dine, mouvement islamiste, lié à Aqmi et chantre de la Charia qui n'a pas grand chose de commun avec la culture touareg.

Souvent, quand je regarde le Calvaire du Christ décliné en polyptyque par Duccio, quand je déroule des arabesques pour admirer des murs, quand j'écoute chanter quelques negro spiritual ou quand je regarde passer les photos des mosquées de Tombouctou, je me dis que ça n'a pas tellement d'importance que Dieu existe ou pas, que c'est juste merveille que les Hommes l'aient inventé.
Et puis reviennent les inquisiteurs et je me renfrogne, durablement. 
Dans ces cas-là, c'est douloureux d'être athée : j'aurais préféré pouvoir accuser Dieu. Mais c'est l'homme, une infinie puissance de création et une infâme Bête immonde. Celle-ci ne se nourrit que d'humain. Les œuvres sont ses hors-d'œuvres et c'est toujours à la sauce sang.
Le 5 juillet, le Conseil de sécurité de l'ONU a rappelé que les Islamistes qui ont détruit les mausolées de Tombouctou étaient passibles de poursuite par la Cour pénale internationale. La destruction des statues, les autodafés sont des atteintes à l'Homme.

Lire aussi sur ce blog : La contagion malienne

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

A partir du 23 mai, "Mamie écrase les prouts"

Le calendrier 2024 d'ARySQUE est paru

Une année avec des élèves